Définition:
“L’action de conserver/stocker des semences à l’abri avant qu’elles ne soient utilisées en culture” (Les maisons de semences paysannes – RSP).
Le stockage des semences est une étape essentielle dans le cycle de vie d’une semence. Après la sélection, et le tri, le stockage permet de conserver les semences jusqu’au moment où elles seront resemées. Il est important de pouvoir stocker les semences pour des périodes de plusieurs mois, dans la plupart des cas, voire deux ou trois saisons (ou même plus!) si nécessaire. Il est très important de stocker les semences dans des conditions optimales pour assurer un bon taux de germination, une bonne récolte et également la sélection de bonnes semences lors de la récolte suivante.
Il existe plusieurs méthodes de stockage et de conservation des semences. Comme bien souvent en agroécologie, il n’y a pas une seule méthode, parfaite pour tous types de semences et en toutes circonstances. L’idéal est de pouvoir conserver les semences dans un endroit à température et hygrométrie contrôlée (température inférieure à 20°C et 50% d’humidité) mais la plupart des agriculteurs, jardiniers, banques de semences communautaires ou maisons des semences n’ont pas accès à des mécanismes de contrôle de la température et de l’humidité. Dans ces conditions, la méthode la plus adéquate va dépendre, entre autres, du type et de la quantité de semences, de l’environnement dans lequel vous êtes, de l’usage que vous voulez faire des semences et de la durée souhaitée du stockage.
Il existe aussi une distinction entre un stockage individuel et un stockage collectif, les objectifs et moyens disponibles n’étant souvent pas les mêmes. Le fait de conserver des semences pour un usage personnel va influencer les méthodes de stockage. En effet, un effort collectif de conservation et stockage des semences, qui représente souvent un volume plus important qu’une initiative individuelle, peut nécessiter la mise en place d’un protocole plus complexe pour éviter les erreurs. Qu’il soit individuel ou collectif, le lieu de stockage des semences, qui est parfois temporaire parfois permanent, peut tout à fait débuter modestement et s’améliorer au fil du temps. Une autre distinction est la situation géographique: conserver des semences dans un pays tempéré ou tropical implique souvent des méthodes différentes. Plusieurs méthodes et équipements de stockage traditionnels sont connus et ont fait leurs preuves pour protéger les semences mais il existe également des techniques plus récentes, et souvent plus coûteuses.
Je vais tenter de lister plusieurs pratiques, en me focalisant sur celles dites “traditionnelles” plutôt que formelles ou commerciales. Je ne prétends pas faire une liste exhaustive car il existe une grande diversité de pratiques (plus ou moins traditionnelles) de part les régions du monde. Il est important de se rappeler que les semences ne se conservent jamais sans aucune détérioration, le but est donc de minimiser et ralentir cette détérioration.
Pour résumer, l’objectif est de conserver des semences propres, saines et viables. Cela se fait principalement en les protégeant de l’humidité, des parasites (insectes et rongeurs) et des maladies, afin d’obtenir une bonne germination et des cultures saines par la suite. Pour cela il est essentiel d’avoir un lieu de stockage/entreposage, un minimum d’équipement et des méthodes appropriées.
Je détaillerai quelques points clés comme l’environnement de stockage, l’équipement et des méthodes d’entreposage, la température, l’humidité, les problèmes qui peuvent survenir et comment les résoudre.
Le facteur humain est également essentiel car on a beau avoir un environnement idéal, des équipements fonctionnels, les besoins en temps et énergie de la part des personnes qui gèrent ces lieux sont importants. Mais je ne traiterai pas de cette aspect-là ici.
Il y a 3 règles de base:
- Faire un bon tri, nettoyage et séchage des semences en amont. Je parlerai de cette étape dans le poste (à venir) consacré au tri: Il est en effet crucial de s’assurer que les semences soient aussi sèches que possible et que le lot ne contient pas de mauvaises herbes, de poussière, de pierres ou d’insectes.
- Conserver les semences dans un endroit frais et sec: La température à l’intérieur de l’installation doit être fraîche et la teneur en humidité doit être limitée afin d’éviter une germination prématurée.
- Éviter les mélanges: Une installation de stockage, quelle que soit sa taille, contient généralement plus d’un type de semences, et il est important d’éviter tout mélange de ces différents types de semences.
Environnement de stockage
Cet endroit, quel qu’il soit, doit être approprié. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’il faille des moyens financiers importants ou un bâtiment dédié au stockage. Les quatre mots clés pour un entreposage adéquat des semences sont: Humidité, température, propreté et organisation
Une règle empirique, décrite par Harrington, dit que chaque augmentation de 1 % de la teneur en humidité et chaque augmentation de 5 °C de la température réduisent de moitié la durée de vie des semences. À l’inverse chaque baisse de la teneur en humidité de 1% et chaque baisse de la température de 5 ̊C double la période de stockage possible. Quelle que soit la méthode utilisée, la réussite de l’entreposage des semences dépend essentiellement du pourcentage d’humidité relative et de la température dans l’installation d’entreposage. Température et humidité relative doivent être considérées ensemble. Cet effet combiné est à la base de la règle empirique de Harrington: «Pour un bon entreposage des semences, la somme de l’humidité relative, en %, dans l’environnement de stockage et de la température d’entreposage est de 100° Fahrenheit* (applicable à des températures ≤ 50 °F)» (Outils de formation pour la production de semences – Module 6: Entreposage des semences. FAO. 2019).
*équivalent à 37,7° Celsius
Humidité
Humidité des semences: Un grain est vivant, il respire (il a besoin de dioxygène et produit de la vapeur d’eau, même si ces quantités sont infimes). Maintenir l’humidité au niveau le plus bas possible est une des clés d’une conservation sans risques. Un échange de l’humidité avec l’air se produit par un simple contact avec l’air extérieur et, en fonction de l’humidité ambiante, les semences deviendront plus sèches ou plus humides. Pour donner un ordre d’idée une humidité de l’air supérieure à 60-70%, fait que les semences séchées deviennent plus humides.
- L’humidité facilite le développement des insectes, champignons et bactéries. Pour éviter ces risques, une bonne ventilation est essentielle.
- Les processus vitaux sont beaucoup ralentis pour les semences sèches. Cela résulte en un processus du vieillissement ralentit, ce qui permet de maintenir la capacité de germination.
- Pour éviter le développement de champignons, il faut s’assurer que les semences soient bien sèches (voir poste consacré au tri ici (LIEN)) avant de les entreposer. Une teneur en humidité des semences d’environ 6 % est une valeur optimale pour entreposer la plupart des semences et assurer une longévité optimale (FAO).
- Voici deux méthodes provenants de l’Agrodok N°31 (Le stockage des produits agricoles tropicaux) pour vérifier (approximativement) le taux d’humidité des semences avant le stockage:
- “Si les semences se fendillent plutôt que de se casser, c’est qu’elles sont suffisamment sèches pour être stockées”
- “Utiliser du sel qui a séché au soleil pendant quelques jours, et mélangez-le avec les graines dans un bocal propre et sec. Puis on secoue le tout pendant une minute. Si le sel colle au verre, c’est probablement que les graines contiennent plus de 15% d’humidité et qu’il faut les faire sécher davantage. Si le sel ne colle pas, les graines sont assez sèches pour être stockées.”
- Si les graines ont une teneur en humidité trop élevée, le stockage doit être fait dans un lieu bien ventilé et non en contenant hermétique.
- Si l’humidité de l’air est supérieure à 60-70%, une forme de stockage (semi) étanche à l’air est recommandée.
- Humidité relative à l’intérieur des contenants et pièces de stockage:
- Il faut ensuite s’assurer qu’il n’y ai pas de condensation à l’intérieur du contenant. Lorsque le taux d’humidité est faible, un contenant hermétique fournit une bonne protection. Par exemple, pour protéger de l’humidité de l’air en zone tropicale et/ou pendant la saison des pluies, des contenants hermétiques ou scellés sont très efficaces pour contrôler la teneur en humidité des semences et de l’activité des insectes sans insecticides.
- Des billes en céramique, du gel de silice ou des zéolithes peuvent être introduits dans les contenants pour déshumidifier l’atmosphère et contrôler les niveaux d’humidité. Le charbon de bois, des cendres, du riz sec ou de l’argile sont également utilisés.
Température
La règle de base est que toutes les semences doivent être conservées à une température la plus basse possible, afin de maintenir au mieux leur viabilité et leur capacité de germination. Une température ambiante inférieure à 10°C est donc conseillée pour un stockage de plus longue durée. De plus, le stockage au froid permet de lutter contre les parasites. Bien que des semences qui ne sont pas suffisamment sèches puissent aussi être conservées en sécurité à de basses températures, il est généralement plus facile de les sécher que de les réfrigérer.
Évitez les écarts importants de température qui risquent de provoquer de la condensation dans le lieu de stockage
Un réfrigérateur, même s’ il n’est pas branché, aide à maintenir une température constante, mais ne permet le stockage que de petite quantité. Préférez le bas du réfrigérateur (la température y est plus fraîche)
Une bonne ventilation de la pièce peut aider avec le facteur température, pour faire baisser celle-ci ou la maintenir.
Propreté
Ne jamais stocker les semences en contact direct avec le sol ou les murs (Le tas devra toujours être éloigné du mur et séparé du sol par une palette ou plate-forme surélevée).
Autant que possible, veillez à fermer les points d’accès des ravageurs (rongeurs, insectes) en fermant les ouvertures (les fenêtres, les portes, l’équipement de ventilation) en utilisant par exemple un grillage anti-insectes.
Assurer régulièrement l’entretien du bâtiment, des zones et des contenants de stockage. La propreté réduit les risques que des graines tombées sur le sol attirent humidité, champignons ou ravageurs.
Organisation
Veillez à ce que les stocks de semences soient (et restent) bien rangés en séparant et étiquetant les différents lots afin d’éviter confusion et mélanges.
Au niveau individuel, assurer au minimum un étiquetage avec le nom de la variété, l’année et le lieu de récolte.
Dans le cas d’une maison des semences, tenir un registre des entrées et sorties permet de savoir où en est le stock. Le nom de l’agriculteur ou du jardinier, la localité où la semence a été récoltée, le nom de la variété, la date de récolte. Si possible, pesez et notez la quantité, car cela permettra de connaître le volume de semences traitées par la maison des semences sur une même année.
Types d’équipements et méthodes d’entreposage
- Il existe trois grands systèmes de stockage ou options d’emballage pour les semences: Le vrac, les sacs et les contenants hermétiquement clos. Le choix de ces systèmes conditionne à son tour le choix de l’installation de stockage:
- Les emballages qui permettent un échange libre d’air (sacs papier par exemple) sont mieux adaptés dans un site d’entreposage contrôlé (avec un environnement sec et frais qui facilite le déplacement de l’air).
- Les contenants étanches (bocaux, boîtes métalliques par exemple) sont plus souvent utilisés dans des situations dans lesquelles l’humidité relative est difficile à contrôler. Ils sont mieux adaptés au stockage au froid pendant de longues périodes.
Le vrac
Ces contenant sont normalement fermés. Leur taille, leur forme et leur capacité sont variables. Il s’agit par exemple de paniers en bambou ou de contenants en bois, métal ou plastique mais aussi de calebasses, courges, pots en argile ou en terre. Parfois les semences sont directement placées dans des greniers, silos fermés à paroi de terre ou des fosses.
Le stockage en sacs
Il offre flexibilité, un faible coût et permet une inspection simple mais n’est pas très efficace pour la protection contre les insectes. Ces sacs sont généralement entreposés dans un bâtiment.
Les contenants hermétiquement clos
Comme mentionné plus haut, ces systèmes sont très efficaces pour contrôler la teneur en humidité des semences et permettent de contrôler l’activité des insectes sans insecticides. Ces contenants étanches évitent le déplacement d’oxygène et d’eau entre l’atmosphère externe et les semences. Ils peuvent être en verre, en plastique ou en métal. Assurer l’étanchéité à l’air se fait le plus souvent en utilisant des couvercles en caoutchouc fixés sur le récipient qui sont plus efficaces que des couvercles à visser classiques.
Toutes les semences entreposées doivent être régulièrement vérifiées. Cela peut être fait visuellement en vérifiant les contenants pour évaluer le niveau d’humidité et l’incidence des ravageurs et des maladies sur une partie ou la totalité des semences. Il est également important de réaliser des tests de germination réguliers d’autant plus si vous conservez les semences pendant plusieurs années.
Lorsqu’une forte humidité persiste sur une longue période et que l’on commence à observer des problèmes tels que des moisissures, des parasites ou des maladies, une action immédiate est nécessaire. Dans ce cas, une bonne pratique consiste à retirer toute semence infectée, sécher les semences au soleil, les refroidir et les entreposer à nouveau, après avoir soigneusement nettoyé le contenant.
En termes de lutte contre les insectes, les auteurs d’Agrodok 31 insistent sur l’importance de mesures préventives et déconseille l’utilisation de pesticides, particulièrement lorsqu’il s’agit de produits alimentaires, car ils sont à l’origine de nombreux accidents. Les mesures préventives recommandées sont par exemple, l’hygiène, l’assainissement, la gestion et la désinfection des entrepôts (FAO). Les mesures de contrôle curatives sont appliquées une fois que l’infestation s’est installée. Des méthodes traditionnelles de préservation des graines consiste à traiter les semences avec des produits végétaux spéciaux ou avec de la fumée. Différentes substances (minérales ou non) sont parfois ajoutées et/ou mélangées aux semences entreposées afin de les protéger. 50 à 100 g de ces substances par kg de produit stocké sont généralement ajoutés (sauf pour le sable qui est mélangé en plus grandes quantités).
Voici quelques exemple:
- L’arbre de neem (margousier) permet de réaliser des pesticides efficaces à base de poudre (feuilles séchées) ou d’huile (la graine consiste en une amande qui contient ≤ 35 % d’huile). “Si les feuilles séchées du neem aident à conserver le grain entreposé exempt de ravageurs, les produits chimiques présents dans les graines de neem repoussent les insectes, en les empêchant de s’installer, de se nourrir et de pondre des œufs sur les récoltes, en réduisant leur croissance et leur développement, en les rendant infertiles ou même en provoquant leur mort“. (Outils de formation pour la production de semences – Module 6: Entreposage des semences. FAO. 2019)
- Sable (fin), poudre d’argile, chaux et cendre de bois (seule ou en y ajoutant du piment en poudre) sont des méthodes efficaces de lutte contre les ravageurs. Certains attaquent ces ravageurs de manière invisible, d’autres (eg. sable fin) font en sorte que les ravageurs ont du mal à se déplacer et à respirer, en remplissant les interstices. Plus on ajoute de sable et mieux c’est, mais sa quantité doit être au moins égale à celle des graines. Le sable s’enlève facilement avec un tamis.
- Cendre de bois – La cendre de bois mélangée aux graines est une méthode efficace de lutte contre les ravageurs. Mais cela n’élimine pas le grand capucin des céréales et la cendre risque de donner un goût à la récolte.
- Chaux – Le mélange de graines avec 0,3% de chaux (oxyde de calcium) peut donner de bons résultats dans la lutte contre les charançons.
- Diatomite/ terre à diatomées. Elle se trouve dans plusieurs pays africains et on la trouve à un prix très raisonnable. Constituée de minuscules fossiles de diatomées dont les squelettes sont composés essentiellement de silice, c’est un insecticide très efficace et non toxique sous forme de poudre à même d’absorber une grande quantité d’eau et qui tue les insectes en les desséchant. Une petite quantité (eg. 75 g par sac de 25 kg de céréales) suffit à éliminer les charançons et les autres insectes.
Il est clair que le stockage des semences est une étape importante pour la reproduction des semences. Les différentes méthodes qui existent peuvent être très simple ou assez complexes. L’essentiel est de garder en tête les principes de bases sur la température et l’humidité, et bien sûr de traiter les semences avec respect, après tout elles sont vivantes!
Sources:
Les banques de semences communautaires: concept et pratiques (PDF en Français) / Community seed banks: concept and practice (PDF in English) – Ronnie Vernooy et Bhuwon Sthapit, 2018.
Production de semences à petite échelle (PDF en Français) / Small-Scale Seed Production, Agrodok 37, Harry van den Burg, 2004 (PDF in English)
Le stockage des produits agricole (PDF francais) / Storage of agricultural products (PDF English) – Agrodok 31, Piet Scheepens, Rik Hoevers, Francis Xavier Arulappan and Gerard Pesch, 2011
Les maisons des semences paysannes, Réseau Semences Paysannes (PDF en Français)
Outils de formation pour la production de semences – Module 6: Entreposage des semences. FAO. 2019. (French / English)